mercredi 20 octobre 2010

Zidane la Racaille, par Marc-Edaourd Nabe (juillet 2006)

Zidane est un génie. Zidane est un con. Les deux en même temps ; ça existe. Et ce n’est pas un génie parce qu’il est le plus grand footballeur de tous les temps et un con parce qu’il a foutu un coup de boule à un autre joueur à huit minutes de la fin de sa carrière. C’est peut-être le contraire. Zinédine Zidane n’a jamais été aussi génial qu’en marquant ce but inattendu et bien réel : une tête dans la poitrine du défenseur Materazzi pendant la finale de la Coupe du Monde ! Conséquences en cascade : carton rouge, expulsion, absence pendant les tirs aux buts, défaite de la France, déception générale...
Décevoir, quel pied suprême !... Rien de plus jouissif et de plus juste, quand on est en train de gagner la partie, que de tout détruire d’un coup sec. À sa guise, selon son humeur, par caprice pur ! Bienvenue au club des fouteurs de merde ! On a dit que Zidane était enfin redescendu sur terre, qu’il ne voulait plus être un dieu, mais un homme. C’est vrai, il n’est plus un dieu. Maintenant, il est Dieu ! Il change le cours des choses. Déjà il se dévoilait mystique en affirmant qu’il avait entendu des voix le convaincre de revenir en équipe de France après sa décision « irrévocable » d’arrêter de jouer avec ses potes de 98. Revenir oui, mais pour faire ça ? Qui l’aurait prévu et admis ? Si ce n’est le souffle divin...
Autodestruction ? Instinct de survie ? Masochisme ? Sadisme ? Un peu de tout ça : il a surtout dit non à la beaufitude, il s’est évadé du triomphe promis... Surtout ne pas être encensé, ne plus être condamné à la béatification footballistique, médiatique, et historique de son vivant, arrêter de soi-même l’horrible processus de confiscation de sa substance. Quel situationniste qui s’ignore, ce Zidane ! Refuser de mourir en quelque sorte, sortir indemne de cette gloire préméditée, souiller l’hagiographie obligatoire, chier dans la nécrologie antemortem, baiser la mort donc !
Tout a été dit sur ce « vilain geste », mais rien n’a été pensé sur les raisons qui ont fait que Zidane est devenu ce soir-là plus qu’un sportif, un artiste de son destin. Ce qui manque souvent au sport pour devenir un art, c’est cette transcendance que « Zizou » a osé atteindre en un coup de tête. Et il l’a fait seul, en égoïste, dans un sursaut de fidélité à son enfance plus fort que tout. Il s’est comporté comme un gosse aux yeux de tous, devant le monde entier. Un petit caquou marseillais en culottes courtes dans la cour de récré d’une école primaire près de l’autoroute Nord... Regardez sa sale tête de narquois d’abord, puis de méchant quand il frappe, puis de roublard quand il espère ne pas avoir été vu, puis de penaud pris en faute, et de boudeur enfin lorsqu’il sort, pour toujours, par la petite porte, car la grande était trop petite pour lui !
Zidane devait en avoir marre depuis des années d’être l’incarnation de la bien-pensance... Même l’Abbé Pierre avait eu son moment de malédiction, pourquoi pas lui ? Le sans-défauts sauveur du monde, le messie du foot, assez ! « Jésusdane » dribblant sur l’eau, roulettes, passements de jambes à toute berzingue, ça suffit !
De toute façon, il faisait la gueule depuis le début du match, il avait l’air d’être en prison, de vouloir s’évader de son personnage étouffant. Quelque chose au fond de lui cherchait comment faire... Il savait, son corps savait qu’il lui restait encore quelques minutes pour prouver qu’il était encore vivant. C’était aussi une façon de reculer le moment de finir d’être footballeur, de casser l’inéluctabilité de la victoire de son équipe et de son triomphe personnel, total et définitif. Geste de jeunesse qui refuse de vieillir... L’a-t-on assez dit qu’il était vieux, croulant retraité précoce sénile de 33 ans !
Quel match formidable ! J’étais sur les Champs-Élysées avec Djamel Bouras, Stomy Bugsy et Amel Bent. Rien n’était normal dans cette finale. À la 48e seconde, après un mauvais coup à la tête, Thierry Henry est sonné. Ensuite, pénalty injustement accordé à la France contre Materazzi : 19e minute, premier acte. C’est Zizou qui le marque, et là il fait quelque chose que Barthez, de sa cage, qualifie de « malade », et que Zizou lui-même n’avait jamais tenté, un risque fou pour un enjeu si crucial : une panenka ! Un coup de louche soulevant le ballon et le lançant, plus que le frappant, dans le haut du filet pour le laisser retomber en feuille morte dans le dos du gardien. La balle zidanienne touche même l’intérieur de la barre transversale du plus grand goal du monde. Pour Buffon c’est pire qu’une provocation : c’est une humiliation ! Et après Zidane, pas gonflé, ira dire que « le coupable c’est toujours celui qui provoque » !... Materazzi avait raison d’avoir trouvé Zidane « superarrogant » sur la pelouse... Il fallait s’attendre à la riposte italienne, elle ne tarde pas : avant la mi-temps, Materazzi-le-tatoué, déjà vengeur, récupère par une superbe tête le corner de Pirlo et égalise. Mais ça ne suffira pas aux ritals. Les Français sont inquiets. En deuxième période, Zizou rate la sienne, de tête. On aurait dû comprendre. Puis c’est le claquage de la cuisse de Vieira, et l’épaule presque déboîtée de Zidane qui visiblement souffre : il demande même à être remplacé, on voit bien qu’il cherche la sortie, celle du match et celle de sa carrière. Il n’a plus que dix minutes pour trouver quelque chose de fort. Il ne va tout de même pas jouer la victoire à la roulette russe avec une séance de tirs aux buts dans laquelle les Italiens font tout pour entraîner la France ! Ribéry, Henry, Vieira sortis, aucun nouveau but ne semble possible : c’est là que Materazzi, toujours la panenka en travers de la gorge, sert sur un plateau au Kabyle divinisé une occasion de changer son destin et accessoirement celui des autres ! Lors de l’altercation qui faillit passer à l’as des arbitres, on voit Zidane proposer ironiquement son maillot à Materazzi, puis s’éloigner calmement du défenseur de l’Inter Milan, avant de se retourner et de se laisser aller à un coup de sang, mais de sang froid...
— Ah, il y a faute aussi sur Materazzi... J’espère qu’il ne s’est rien passé, parce que... Ouais, ouais, ouais... Non, le juge de touche ne semble pas intervenir... Tiens, on voit Zizou... Hou ! Houh ! Zinédine ! Oh, Zinédine... Pas ça, pas ça, Zinédine... Pas ça, Zinédine ! Oh, non. Pas ça. Pas aujourd’hui. Pas maintenant... Pas après tout ce que tu as fait !... Aïe, aïe aïe aïe aïe aïe aïe... Sa devise, c’était «Vivre ensemble, mourir ensemble » ce qu’il fallait traduire par « Mourir seul, ça fait mourir tous les autres » ! Chevalier du Graal à qui la coupe échappe, il passe devant, la tête basse, de dos, avec son nom « Zidane » écrit sur son maillot comme le M de M le Maudit...
Qu’a donc bien pu dire Materazzi pour que Zidane en arrive là ? Un mystère, plus fort que celui qui fait s’interroger depuis deux mille ans les théologiens les plus chevronnés sur ce que Jésus-Christ a écrit sur le sable au moment de l’épisode de la femme adultère, enrobe les phrases « intolérables » de Materazzi...
Qu’on arrête de nous faire croire que Materazzi a insulté sa mère et sa soeur !... Il s’agirait donc de gober que Zinédine Zidane, à quelques minutes de la fin du match le plus regardé de tous les temps, au moment de dire adieu à sa vie professionnelle, à quelques centimètres de la coupe du monde qui va sacrer définitivement son ascension cosmique dans les sphères de la légende du football intergalactique, idolâtré par les Martiens eux-mêmes pour sa maturité et son fair-play, son élégance exemplaire et sa grâce angélique, a pris la mouche au point de casser la gueule devant trois milliards de téléspectateurs à un mec qui l’a traité de « fils de pute » ? À d’autres !
Alors ? Menteur ou abruti ? Il faut choisir. Abruti de réagir au quart de tour comme le premier des casquettés à l’envers ou bien menteur de nous cacher ce qui l’a fait vraiment disjoncter. On sait bien que « fils de pute » (qu’il a dû entendre des millions de fois dans sa vie depuis qu’il est né rue du Docteur-Escat) ne veut pas dire « Malika Zidane fait le trottoir » ! Pute, le métier que j’admire le plus au monde ! Malheureusement pour moi (et pour mon père), ma mère n’en est pas une, loin s’en faut... Si quelqu’un me traite de « fils de pute », moi j’ai envie aussitôt de me coucher amoureusement sur sa poitrine de pélican plutôt que de vouloir la lui défoncer à coup de tête... La réaction raciste c’est de croire qu’un Arabe ne peut s’énerver que si on touche à sa mère : ça veut dire en douce que les Arabes sont trop primaires pour défendre autre chose dans la vie que l’image de leur maman. Et Zizou qui confirme ça... « Ça touche à la maman, à la soeur... ». Il met son sens du nif là où il ne faut pas et là où il le faudrait, il n’y a plus personne.
Zidane se fout de la gueule du monde, et le monde marche, le plaint, l’approuve dans sa « condamnable mais compréhensible » réaction face aux mots « très durs » lancés par Materazzi, le salaud au plexus solide... On lui trouve toutes les excuses : sa maman est à la Timone, son entraîneur de jeunesse meurt le lendemain de son anniversaire, les Espagnols l’ont chargé dans la presse, il faisait trop chaud...
Il était écrit que l’histoire devait s’écrire autrement. Refaire deux fois le coup de la coupe du monde à la Française, ce n’était pas possible. Les cieux ne voulaient pas de ce bis ! Seuls les VIP bariolés ridiculement de bleu-blanc-rouge s’y voyaient déjà, niant, du haut de leur petitesse athée, le grand sens de la justice de Dieu, et son goût notoire pour les coups de théâtre.
La France ne veut pas sortir du rêve. Un seul mot d’ordre: « Merci pour tout, Zizou ! ». Tous les annonceurs y passent à grandes pages dans les journaux : Danone, Carrefour, SFR, Coca Cola, Orange, Suez, La Poste, Adidas, CanalSat... Chirac le réconforte comme un gamin qui a fait une bêtise... Lui-même s’excuse mais ne regrette rien (il pourrait aussi bien dire le contraire). Les commentateurs passent l’éponge au nom du génie qui ne fait rien comme les autres, mais ils pensent aussi qu’en un geste fou, il est devenu un simple humain comme eux ! Ça les arrangerait bien, mais ce n’est pas le cas.
À quoi reconnaît-on que toute une société médiatique tourne autour du pot ? À sa peur des mots. Entreprise de révisionnisme de l’instant, la télé s’en veut de devoir montrer l’image du coup de tête, elle espère toujours pouvoir l’occulter, pour finalement l’effacer de la carrière du héros. Si elle pouvait !
Toujours mal informantes, mensongères, spéculatives, fantasmatiques, erronées, les « actualités » télévisées déforment en direct le direct de la vie : « cachez ce réel que je ne saurais voir ! » Surtout nier ce qui se passe au moment où ça se passe. De l’imprécision au n’importe quoi : voilà leur palette. La parole médiatique veut toujours corriger la poésie de la réalité qui lui est insupportable. Voilà pourquoi les médias se croient « décents » de ne pas insister sur la raison de sa sortie manquée, parce qu’elle est très réussie, trop réussie pour eux. Ils sont catégoriques sur la teneur des propos insultants (« Maman ! »), pour se débarrasser du problème.
Le geste final par lequel Zizou clôt son jubilé est aussi le dernier aveu d’échec de la politique d’intégration. Zidane l’a senti bouillir dans son corps, l’imposture de l’antiracisme à la française de gauche et de droite. Coup de boule à « SOS racisme » autant qu’à Sarkozy...
D’ailleurs, Sarkozy a été « interdit » de match à Berlin pour cause de Kärcher par Lilian Thuram qu’on appelle « Finkielkraut » parce qu’il a des lunettes et que ça suffit à en faire l’intello du groupe... Ah ! il a dû bien se marrer le ministre de l’Intérieur place Beauvau en regardant la finale... Zidane la racaille...
Tout à coup, un Arabe enlève à la France sa chance d’être victorieuse, il lui vole sa joie d’exploser d’autosatisfaction, d’oublier le racisme primaire de ses Blancs et l’antiracisme, tout aussi primaire, de ses Beurs...
Ceux qui ne sont pas contents, ce sont les « collabeurs » qui lui en veulent d’avoir terni l’image des leurs qu’il était sur le point de finir de redorer. Le Kamikaze de la Castellane les ramène à leur réputation de violents coups-de-bouleurs, de bagarreurs de sortie de boite. Les Arabes de France sont lamentables : lâches, toquards, fainéants, ils ouvrent grand leur gueule au bistro pour mieux la fermer devant les micros, ils ne pensent qu’au fric, aux bagnoles et à la déconne. Camés à la PlayStation, au rap et au stand-up: autant de leurres pour passer à côté de la réalité... Qu’est-ce qu’un vrai Arabe du Moyen-Orient peut attendre d’un Beur d’ici ? Rien, il peut crever sous les bombes de Bush et d’Ehud Olmert. Ça ne concerne pas les « cailleras » qui se bousculent sur les Champs-Élysées au nom du « respect » ou les rebeux boboïsés qui magouillent avec les requins du show-biz...
On attend toujours que Jamel Debouzze, le grand « ami » de Zizou, suive son exemple... Qu’un jour de finale de coupe du monde du rire, il envoie sérieusement sa main dans la gueule d’un Materazzi du Spectacle, et on le rerespectera... Jamel a participé à polir l’image de son héros, à faire de son copain humble et bienveillant, timide et introverti, un Musulman pas excessif et un rassembleur de Français, un humanitaire modèle, le sportif qui se comporte toujours bien. D’accord, il peut lui arriver une nuit de pisser contre le bar du Queen ou un jour de s’essuyer sur un Saoudien, mais dans l’ensemble, c’est un être d’une douceur parfaite... Patatras ! Tout est à refaire, c’est Aimé Jacquet qui avait raison ! Aimé Jacquet a toujours raison : Zidane a un fond très violent. Et Zizou sait que Jacquet sait. Vous connaissez la différence entre Jacquet et Domenech ? Lorsque Zidane se prend un carton rouge, c’est Jacquet qui détourne son regard du sien ; tandis qu’en passant devant Domenech après s’être fait sortir, c’est Zidane qui refuse de croiser celui de son sélectionneur.
Jamel, qui ne mérite même pas le noble titre de « racaille », a pour idole Mohamed Ali, sauf que Ali s’engageait vraiment lui, il s’exprimait sur tous les sujets pour cracher sa haine antiblanche, en pleine guerre du Vietnam, il a agi contre tout un système par la parole et les gestes, et par la provocation, cette provocation que devant le gentil Michel Denisot, le encore plus gentil Zinédine Zidane refuse de répéter.
Dernier espoir : la Fifa ! Elle seule peut nous apprendre ce qui s’est vraiment dit. Malheureusement, elle annule une confrontation prévue entre Zidane et Materazzi, et les deux méchants garçons sont finalement condamnés à des suspensions et à environ 4000 euros d’amende chacun... La manipulation crève les yeux : Zidane, Materazzi et la Fifa se sont mis d’accord sur une version « non-raciste » qui arrange tout le monde, et évite à la Fédération de disqualifier l’Italie. C’est de plus en plus flou : Zidane continue d’affirmer que sa mère et sa soeur ont été injuriées ; Materazzi que c’est faux, et basta ! Ni l’un ni l’autre ne disent la vérité, c’est l’essentiel.
Assez de mensonges ! Il y avait un autre mot « choquant » dans la « provocation » de Materazzi lue très précisément sur ses lèvres par des sourds-muets italiens revisionnant la séquence : « Je ne veux pas le maillot d’un fils de pute ! Toi, ta mère, ta soeur, vous êtes tous des enculés de musulmans, sales terroristes ! » Zidane ne veut pas se l’avouer à lui-même, mais c’est bien le mot « terroriste » qu’il n’a pas supporté. C’est à ce moment-là qu’il fait volte-face : « Enfin, le mot de trop ! ». Pourquoi après se faire complice de l’hypocrisie des médias qui se servent de sa mère comme bouclier humain pour le protéger de la véritable insulte (« sporchi terroristi ! ») que personne ne cherche à analyser ? Zizou préfère jouer au fils effarouché plutôt qu’à un être humain poussé dans ses retranchements politiques... Oui, Materazzi a parlé de sa mère, mais dans une expression triviale et impersonnelle que Zidane lui-même n’a pas hésité à balancer à l’arbitre de France-Portugal (« fils de pute ! »).
Le vrai sujet qui a fait sortir Zidane de ses gonds, c’est le terrorisme, et ça il l’occulte. Pourquoi ? Parce qu’il sait très bien que ce qu’il a fait à cette finale, c’est un acte terroriste. Contre le football, contre les médias, contre ses fans, contre la France, contre le monde ! Et c’est Materazzi, habité lui aussi sans le savoir par une mission de vérité dont il a été le jouet indispensable (comme Judas devait trahir le Christ pour qu’il échappe à son destin de simple Messie), qui l’a poussé à l’accomplir. En trouvant les mots du blasphème qui seuls pouvaient faire sortir le vrai Yazid de la carapace du faux Zidane, l’Italien inspiré (on l’a vu tout au long du match) a visé juste.
Ah ! Zizou a dû être sacrément conditionné pour ne pas soulever le lièvre « terroriste », alors que c’est ce mot bien sûr qui a fait resurgir irrépressiblement sous forme de colère toute sa honte d’avoir gardé le silence depuis tant d’années sur la façon dont les Arabes sont traîtés...
Materazzi lui a planté dans le dos la langue qu’il n’aurait pas dû garder dans sa poche sur la situation internationale, sujet plus intéressant que les « problèmes » des cités du 9-3, qu’aiment évoquer, en promo et sous les applaudissements d’un public payé par la télé, les anti-sarkozystes démagos...
Zidane n’a pas été naturel, pendant dix ans, il a fait semblant de s’intégrer, et bien des signes montraient que le feu couvait sous la gentillesse tièdasse de ses interventions. Pas seulement ses treize cartons rouges précédant le plus beau de dimanche dernier. Des signes dans la vie politique de la France et du monde auxquels Zidane n’a jamais répondu. On est en 2006, on n’est plus en 1998 : il s’en est passé des choses pour les Arabes. Le monde à changé du tout au tout depuis l’apothéose des Bleus sur les Champs-Élysées, le 3-0 contre le grand Brésil, « I will survive » et « On est les champions » !... Les deux têtes de Zizou le 12 juillet 98 se sont métamorphosées en deux tours !
11 septembre 2001 : Zidane, l’Arabe le plus célèbre du monde, ne dit rien. 6 octobre 2001, après le match France-Algérie où il joue contre son pays d’origine, et où La Marseillaise est sifflée et la pelouse envahie par ses frères, Zidane ne dit rien non plus. Novembre : Bush attaque l’Afghanistan : toujours aucune réaction. Avril 2002 : Le Pen au second tour, Zidane dit enfin quelque chose, mais c’est trois fois rien. Mars 2003, Bush attaque l’Irak : Zidane ferme encore sa gueule. Décembre, les GI sortent Saddam Hussein de son trou : Zidane ferme toujours sa gueule. Les Américains entassent les « terroristes » à Guantanamo : Zidane ferme sa gueule. La France interdit le foulard à l’école : Zidane ferme sa gueule. Israël enferme les Palestiniens derrière un mur : Zidane ferme sa gueule. Sharon liquide le Cheick Yassine et Rantissi : Zidane ferme sa gueule. Les Yankees torturent les Irakiens à Abou Ghraib : Zidane ferme sa gueule. Arafat meurt : Zidane ferme sa gueule. Sarkozy parle de « Kärcher » et Finkielkraut d’une équipe de France « Black-Black-Beur » : Zidane ferme sa gueule. Deux « racailles » poursuivies par les flics se font électrocuter, ça entraîne des émeutes dans toutes les banlieues : Zidane ferme sa gueule...
À force de se taire, voilà ce qui arrive : on se nique la coupe du monde ! Quelques mots de lui placés aux bons moments auraient pu, sans changer le cours de l’Histoire du Troisième millénaire, délivrer bien des âmes captives, les soulager de l’injustice et de la frustration de ne pas pouvoir s’exprimer. Et qu’on ne me dise pas que ce n’était pas son rôle ! C’était même sa responsabilité. Pas besoin d’être un intellectuel pour dire simplement NON. Zidane à Bagdad n’aurait pas empêché Bush de bombarder, mais le monde entier aurait compris le message. Il ne risquait rien, et s’il ne voulait pas aller au Palestine infesté de journalistes, j’étais en face à l’Ishtar. On l’aurait refait, le monde, entre deux bombes qui tombent, nous, métèques nés à Marseille... Ah, les impulsifs de la Clinique Bouchard !
Aucun risque pour Zidane d’aller en Irak, avec toute la France derrière lui. Quel beau geste ça aurait été ! De ne pas l’avoir fait a abouti au coup de boule sur Materazzi. Le raccourci est inepte ? Réfléchissez ! Zidane a bien compris que son terrain d’expression était celui du foot, c’est donc là qu’il a réagi enfin à toute cette injuste guerre faite aux Arabes qui ne font que se défendre. C’est dans les mots mêmes de ses « explications » : « je n’ai fait que réagir à une provocation ». Que font d’autres les « terroristes » que de réagir aux « provocations » des occidentaux qui spolient leurs terres, bafouent leur foi, exploitent leur manque de savoir-faire, moralisent leur obscurantisme, et volent leurs richesses ?
Qui sait si toutes ces réalités ne se sont pas imprimées en lui d’une façon beaucoup plus traumatisante qu’on ne croit ? En les refoulant, elles sont sorties comme ça, au moment le plus inattendu sur le premier Blanc venu. Pas tout à fait n’importe qui d’ailleurs : une brute d’Italie, comme par hasard, l’un des pays européens qui a accepté d’aller casser de l’Irakien en Mésopotamie aux côtés des salauds de Bush.
Au bout d’un moment, ça s’accumule, dans l’esprit et le coeur d’un Arabe. Gavé d’images blessantes comme un fakir avale des lames de rasoirs, il était prévisible que Yazid dégueule tout ça sous une forme ou sous une autre... 9 juillet 2006, à la 110e minute, à la fin de la prolongation du match France-Italie, Zidane parle enfin, et comme cette tête de con, de son propre aveu, a de beaux yeux mais ne sait pas parler, il agit. Ne vous y trompez pas, c’est encore de la parole, ce coup de boule. Tout le prouve : d’abord son originalité : Zidane n’a pas défoncé la tête mais le thorax de Materazzi jusqu’à vaciller lui-même de l’avoir fait si bien tomber sur le dos. Ce n’est plus du foot, c’est de la boxe (d’ailleurs Zinédine avait le poignet bandé et le poing serré comme ceux d’un boxeur). On aurait dit un bélier qui fonçait sur un rhinocéros et qui le mettait K.O. Les deux corps étaient dans une position magnifique, à donner envie à Delacroix de repeindre sa Lutte de l’ange avec Jacob !... L’image, dévoilée comme une révélation après l’action, telle une image cachée dans le tapis, est à ranger parmi les plus belles de la télé... Ça en rappelle une autre... Oui ! L’avion de Mohammed Atta percutant la tour du World Trade Center ! Toutes proportions gardées, c’est la même chose ! Avec la même violente beauté tragique, Zidane a envoyé sa tête d’Arabe percuter le poitrail d’un occidental.
«Terroriste », c’est l’insulte suprême mais il faut l’entendre comme Zidane ne supportant pas qu’à travers lui on insulte Ben Laden ! Lui croit que ce qu’il ne supporte pas, c’est qu’on fasse l’amalgame entre un Musulman français d’origine algérienne et les terroristes islamistes d’Al Qaida, mais son corps n’aime pas qu’on dise que les Arabes sont des terroristes parce qu’il sait bien au fond de lui que ce sont des résistants...
« Islamiste » aussi, ça doit bien le dégoûter qu’on puisse le considérer comme tel. Sauf qu’au cours du périple de l’équipe des Bleus en Allemagne, Herr Zidane, d’un château à l’autre, demandait une chambre spéciale pour que lui et Frank Ribéry puissent prier ensemble plusieurs fois par jour sur leurs tapis de prière... S’ils l’apprenaient, il n’en faudrait pas beaucoup plus à des connards d’athées blancs pour traiter les deux joueurs pieux de « fanatiques » ! Frankenstein Ribéry, lui au moins, ne se cache pas en début de match pour faire sa prière et se frotter le visage, seuls les ignorants ont pu le croire supercatho en train de réciter le Notre-Père. Quant à Zidane, ce n’est un secret pour personne qu’il est de plus en plus en contact direct avec Allah, cet inspirateur de tant de terroristes !... S’il avait continué sa carrière, il est sûr qu’il aurait dû justifier sa foi fervente et croissante auprès des médias autoritairement laïques...
Maintenant il est vraiment Arabe ! Son ambiguïté de Kabyle a été vaincue, au dernier instant. Les Kabyles, certains autres Arabes n’hésitent pas à les traiter tous de traîtres ! Mais le sombre Kabyle n’a trahi personne le 9 juillet, c’est en acceptant d’être la vache à lait des footeux, publicitaires et autres médiatoïdes bien décidés à le traire toute sa vie qu’il trahissait, qu’il se trahissait... Il devait se sentir mal dans sa peau d’échanger sans arrêt sa gloire contre son silence. D’ailleurs, les boutons de fièvre qui fleurissaient régulièrement ses lèvres le prouvent : Zizou n’était pas à l’aise dans ce rôle de bon garçon, doux, pudique, non violent, icône de la bien-pensance abbépierresque, post-coluchien idéal, vendu aux marchands et marchant aux vendus...
Sans provocation, rien n’avance ! Toi aussi, Yazid, tu as provoqué toute ta vie pour progresser, tu veux qu’on te ressorte la liste ? O.K, il y a des mots qui font plus mal que des gestes, mais ces mots, j’espère que tu vas finir par les cracher maintenant que tu as fait LE geste. Je te signale qu’au moment où j’écris ces lignes, Israël se sent suffisamment « provoqué » par le Hezbollah pour détruire, du nord au Sud, un pays d’Arabes chrétiens et musulmans qui s’appelle le Liban.
« Terroriste », ce n’est pas si dur à porter. Surtout dans une époque comme la nôtre. Vu ce qui se passe au Proche-Orient, il y aurait plutôt de quoi être fier d’être « insulté » de la sorte ! C’est autre chose que d’être ou ne pas être un fils de pute... Ton père Smaïl l’a dit : « ce n’est pas grave, il y a des choses pires qui se passent en Irak ! » Lui, est un vrai sage : il n’en a rien à foutre qu’un Italien traite sa femme de pute, je pense que ça lui ferait plus plaisir que son fils traite tous les Américains de terroristes !
Source: le site des lecteurs de Nabe

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